Si les festivals sont souvent une manne de revenus pour les libraires, ils sont aussi l’occasion de rencontrer de nouveaux publics et de se faire connaître dans un contexte valorisant.
Cette dernière année a été une année record en termes de chiffre d’affaires pour les librairies partenaires de festivals du livre. Parmi les plus grandes manifestations littéraires de France, les librairies partenaires de la Foire de Brive ont vu leur chiffre d’affaires dépasser les 850 000 euros, et le Festival du livre de Paris, qui a pourtant réduit sa surface d’exposition de moitié depuis qu’il se déroule au Grand Palais éphémère, a généré 1,3 million d’euros en 2023. Jean-Baptiste Passé explique qu’« en termes de distribution, le Festival du livre est la plus grande librairie de France pendant un week-end ». Du côté de Lyon, le festival Quais du polar permet aux librairies de la ville de multiplier leur chiffre d’affaires. Parmi les librairies partenaires de Quai du polar, un groupement de trois librairies indépendantes (Adrienne, La Madeleine et La Virevolte) a engrangé 35 000 euros en trois jours, qu’elles se sont partagés. « L’impact sur les ventes est clair, explique Morgane Le Bris, qui a ouvert la librairie Adrienne en 2021. Le Festival permet de faire connaître la librairie. Les ventes et la fréquentation augmentent pendant et après la manifestation. »
Des bénéfices à nuancer
Les bénéfices de ces festivals pour les librairies sont toutefois à envisager de façon nuancée. Une jeune librairie, qui construit encore sa clientèle, ne va pas observer les mêmes impacts que des librairies plus installées, déjà connues du public local et des visiteurs des festivals. Les coûts d’organisation sont colossaux et réduisent drastiquement le bénéfice économique que les librairies pourraient en tirer. Nicolas Poret, président du groupement des libraires de la Foire de Brive, explique qu’une centaine de personnes sont employées pendant le festival, avec parfois beaucoup d’heures supplémentaires, que la mairie touche une partie du chiffre d’affaires, que la communication est onéreuse tout comme l’accueil des auteurs et les cadeaux qu’on leur offre… De plus, les librairies partenaires qui se déplacent vers la ville du festival perçoivent moins de bénéfices économiques que les librairies déjà situées sur place.
Tous les ans, la librairie des Volcans à Clermont-Ferrand participe à Quai du Polar. Quatre salariés se rendent à Lyon pour y tenir un stand. Mathias Laude, libraire spécialisé dans le rayon polar, ne manquerait à l’appel pour rien au monde : « C’est un festival merveilleux, en termes d’organisation et d’ambiance. C’est évidemment une période très stressante, mais c’est aussi le meilleur moment de l’année ! » Quai du polar a créé une sorte de « rentrée littéraire » du roman policier autour du mois de mars, explique-t-il. « Les éditeurs profitent de l’événement pour sortir leurs livres juste avant Quai du polar, ou alors une semaine après, dans la continuité de ce rendez-vous annuel. »
Une aventure collective
Pour Les libraires, les festivals sont avant tout des moments de partage et d’échange avec les lecteurs, mais aussi avec les éditeurs et les auteurs. Ces derniers mettent des visages sur les acteurs du monde du livre avec lesquels ils ne sont pas a priori en lien. Élisabeth Souffleur, de la librairie Mazette à Marseille, raconte comment le festival Oh les beaux jours ! permet au groupe de librairies partenaires de véritablement rencontrer des acteurs qu’elles ne connaissaient que sur le papier, habituées à échanger avec les services de relations libraires.
Il s’agit aussi pour ces festivals d’inscrire une politique culturelle sur un territoire. Le festival des Petites Fugues en Bourgogne-Franche-Comté se déroule sur toute une région. Cécile Royer, libraire aux Trois Souhaits à Morteau, souligne les liens que les Petites Fugues créent entre les différents lieux consacrés aux livres sur le territoire : « C’est un festival important depuis plus de vingt ans, qui draine beaucoup de monde en librairie comme en médiathèque, et dans de plus petites structures encore, qui offrent la possibilité à des lecteurs habituellement éloignés de ce genre de manifestations culturelles de rencontrer des auteurs ». C’est dire la force des festivals consacrés au livre en France qui, malgré l’énergie, la fatigue et le stress qu’ils réclament, apportent aux libraires la satisfaction de vivre une exaltante aventure collective.
Article publiée initialement sur Livres Hebdo : https://www.livreshebdo.fr/article/festivals-et-librairies-pourquoi-tant-damour que nous reprenons avec l'aimable autorisation du magazine. Par Marie Fouquet, Fanny Guyomard, le 10.07.2023