
Rencontre avec Bénédicte Deprez, cofondatrice de la librairie Trait-d’Union, sur l’île de Noirmoutier. Elle nous explique ce qu’implique cet emplacement géographique, en termes d’assortiment, de saisonnalité et de choix de l’emplacement.
Book Conseil : Pourquoi s’implanter à 5mn à pied de la rue piétonne du centre-ville de Noirmoutier ?
Bénédicte Deprez : Je dirais qu’il y a 2 réponses. La première est financière de toute évidence. C’est à dire que c’était absolument impossible d’envisager une librairie dans la rue piétonne, ou plus près. Les loyers sont beaucoup trop élevés pour une librairie qui ne dégage pas suffisamment de marge pour pouvoir avoir des charges locatives très, élevées. Et la deuxième raison est que si vous passez à Noirmoutier en été et que vous marchez dans la rue piétonne, vous allez vite vous rendre compte que vous avez envie de vous en échapper.
Nous avons créé la librairie en 2008, c’était la crise des subprimes, nous avons eu une opportunité. Un agent immobilier, qu’on finissait par très bien connaître, nous nous a mis en lien avec le restaurateur qui était là avant. Il nous a proposé d’acheter les murs. Et là, nous avons eu la chance de pouvoir le faire, de pouvoir emprunter. Nous les avons très bien achetés et ça nous a sauvés. Et nous nous sommes retrouvés là, à la fois loin du monde et du bruit, et à distance à pied de la rue piétonne. Et ça, c’était fondamental pour que les gens n’aient pas à se garer à nouveau.
BC : Qu’elle est l’offre de la librairie salon de thé Trait d’Union ?
BD : La librairie en elle-même, a une surface totale de la librairie, c’est 140m², dont 40m² de cours, transformés en salon de thé. Et puis, il y a un studio dans lequel on accueille des auteurs. Il est aménagé pour eux et fait 20m². La surface en librairie est d’environ 80 m². Ce qui est étonnant chez nous, c’est que nous avons une très belle clientèle, mais qui n’est pas majoritairement sur l’île. Nous avons donc de nombreux titres, mais peu de volumes par titres. C’est-à-dire que nous avons environ 15 000 titres et environ 20 000 volumes. C’est avant tout une librairie générale, ça signifie que chacun doit trouver son livre et nous devons pouvoir trouver une idée pour chacun, quel que soit le type de lecteur ou de non-lecteur.
La 2e chose essentielle était que ce soit un endroit convivial et chaleureux, d’où l’idée de la librairie-café. Un lieu où on peut se poser, flâner, prendre le temps. D’autant que la majorité des personnes sont quand même en vacances, ou en repos quand elles viennent.
Les rayons sont des rayons très classiques de librairie générale et traditionnelle : essais-actualité, beaux livres, beaux-arts, pratique, sciences humaines, BD et jeunesse qui est un rayon très important. Et puis bien sûr littérature !
Ensuite, le volume des livres à l’intérieur des rayons et des titres, varie en fonction de la saison. Par exemple, pour les sciences humaines : nous accentuons ce rayon pour la belle saison, parce qu’il y a plus d’étudiants, plus de jeunes, donc nous développons un peu plus le rayon philo-sciences humaines. Nous avons également plus de poches en été, alors qu’en hiver notre clientèle est plus âgée, donc elle vise plus des brochés. Néanmoins, d’une façon générale, le rayon le plus important, reste la littérature
BC : Combien êtes-vous à travailler dans la librairie-salon-de-thé ?
BD : Nous abordons notre 17ᵉ été à la librairie. Nous l’avons créée ensemble, avec mon conjoint. Nous avions déjà étoffé la librairie Préambule, à Cassis. Vincent est un peu plus de la partie administrative et les fournisseurs, c’est MacGyver aussi. Il bricole partout dans la librairie. C’est un moins gros lecteur que moi. En revanche, il a cette capacité d’écoute qui fait qu’il ne se trompe jamais. Lui est gérant et nous sommes tous les 2 actionnaires de la librairie.
L’idéal est que nous soyons 4 à l’année. En l’occurrence, ous sommes 4 et demi, ainsi, en dehors des périodes d’été, nous nous relayons un peu plus le week-end. Aujourd’hui, nous sommes 4, plus une personne qui est là une journée par semaine. Le samedi et en été, nous sommes 6 minimum.
BC : Comment faites-vous venir des auteurs à la librairie Trait d’Union ?
BD : Un auteur, c’est un petit peu comme rencontrer un acteur de cinéma pour quelqu’un qui est très cinéphile, mais ce n’est pas facile à mettre en place. D’abord parce que faire venir un auteur a un coût énorme : l’héberger, le nourrir et le motiver à venir. Surtout pour nous, puisqu’en fait, l’essentiel de nos rencontres ont lieu aux beaux jours et notamment en juillet et août. Nous proposons une rencontre par semaine pour les adultes et une animation jeunesse également. Donc les rencontres adultes ont lieu tous les jeudis. Nous avons trouvé une ruse. Quand nous avons eu la chance d’acheter ce beau lieu, nous avons vite vu qu’il y avait un petit étage qui pourrait éventuellement être aménagé en studio.
Donc pour faire venir les auteurs, nous les hébergeons, nous leur prêtons nos vélos et nous leur disons qu’ils peuvent rester 3 ou 4 jours, voire une semaine sur l’île et visiter l’île en même temps. Et c’est ce qu’ils font ! Cela nous a permis aussi de créer des liens bien plus chaleureux avec les auteurs que lorsqu’ils viennent pour une rencontre et ensuite dorment à l’hôtel.
BC : Quelle est la saisonnalité de la librairie salon de thé Trait d’union ?
BD : Jusqu’il y a peut-être 7 ou 8 ans, donc avant la COVID, l’intégralité du chiffre d’affaires du mois de janvier correspondait à une journée du mois d’août. C’est-à-dire, aux alentours des 10 à 12 000 € de chiffre d’affaires TTC en janvier, ce qui correspondait à une journée du 8 août avec un petit nuage dans le ciel en plus.
Aujourd’hui, c’est un petit peu moins marqué, mais ça le reste quand même. A Noirmoutier, les gens s’installent début avril, pour Pâques, le week-end de Pâques et ferment leur maison encore très traditionnellement à la Toussaint.
Donc oui, il existe une saisonnalité qui est marquée, mais les gens viennent également en fin de semaine. Notre clientèle étant composée essentiellement des Nantais, des Parisiens, des personnes qui ont une résidence secondaire, des parents qui habitent sur l’île et qui finissent par s’y installer à la retraite. C’est leur ancre. Ils viennent tout le temps, ils nous connaissent, on les connaît et ce sont eux, notre clientèle.
BC : Qu’est-ce qu’un bon libraire ?
BD : Vaste question ! Je vais la résumer en une phrase : un bon libraire, c’est quelqu’un qui aime les gens, autant que les livres, voire plus.